La première vague c’était accepter en urgence. C’était l’état de choc et la solidarité face à l’inconnu.
La deuxième vague…. à l’âme… C’est cette incompréhension des décisions de nos autorités, qui bouclent à double tour les salles de musées, les salles de théâtres et même de cinéma, sans aucune explication sanitaire justifiée. C’est cette acceptation, déjà un peu moins docile, de rester cois pour sauver la surcharge hospitalière, tout en regardant s’entasser dans les télécabines les touristes fortunés et les solidaires du droit à la glisse. C’est remettre en question la dangerosité d’une salle de cinéma fermée, face à des trains bondés aux heures de pointes. Pas de cluster dans les transports publics ? Merveilleux ! Logique alors ! Mais quid des salles de cinéma, des musées, des bibliothèques qui elles n’ont plus n’ont jamais créé la moindre infection depuis le début de la pandémie ? Donnez-nous une explication scientifique vérifiée, une explication de stratégie politique sanitaire justifiée ou rouvrez ! Car la troisième vague arrive…. Et ce serait dommage que cela soit une vague à lame…
En attendant et pour conjurer le mauvais sort, certaines autorités essayent de faire en urgence et avec peu de moyens, des actions symboliques pour dire à la culture : « On sait que c’est dur. On vous soutient, le temps de trouver des solutions. » et c’est précieux.
La ville de Neuchâtel, sous l’impulsion de sa responsable culturelle Gaëlle Métrailler, en collaboration avec les musées de la ville, a mis en place des résidences d’artistes dans les vastes espaces de ses musées fermés au public. Une manière pragmatique et intelligente de faire vivre et se rencontrer les actrices et acteurs culturels locaux, pour maintenir la flamme, en attendant qu’elle puisse à nouveau allumer les feux de la rampe ! Un baume au cœur, dans cette tempête de mépris vis-à-vis de la culture scandaleusement jugée non-essentielle depuis le début de la pandémie.
Alors MERCI à la ville de Neuchâtel, aux musées et à Gaëlle Métrailler et son équipe de donner à ses actrices et acteurs culturels l’occasion de remettre un peu de tisons dans cette flamme qui, sans public, sans perspectives, et sans respect pourrait, à force, se tarir dans la lassitude…
Personnellement, c’était l’occasion de collaborer pour la première fois avec Lelia Lortik alias Aurélia Ikor et avec Jacques Bouduban qui l’accompagne au violoncelle. Une vraie rencontre. Humaine tout d’abord ( et en ces temps de disettes d’impromptu, ça fait un bien fou de rencontrer pour de vrai des personnes que l’on ne connaissait pas !), mais aussi musicale. Lelia Lortik, un univers sonore unique, bidouillé, maîtrisé, évolutif et envoûtant qui vous emporte dans un souffle désobéissant vers des territoires inconnus fabuleux ! Une voix protéïforme, des instruments toujours détournés, et des ritournelles entêtantes… Le tout, hébergé dans l’univers fantastique et magique du Muséum d’histoire naturelle ! Il n’en fallait pas plus pour inspirer le dernier projet des Regardiens.
Un clip.
Oui, mais un clip complètement à l’envers. Une histoire née de l’envie d’hurler notre amour pour cette culture que l’on dit « non essentielle ».
28 décembre. On se rencontre pour la première fois au Muséum. On découvre nos univers mutuels et celui des lieux. Le temps presse. Je propose un premier jet d’idée pour les images du futur clip. Lelia s’engouffre avec malice dans la proposition. Pendant que j’écris le film, Lelia écrit le texte de la future chanson. On crée en parallèle. A toute vitesse, car pour arriver à tourner le 6 janvier, il faut aller vite .
Une équipe de Regardiens se met en place. Gregory Bindschedler qui avait signé l’image des « Fantômes de la Belle Epoque » embarque dans l’aventure ! Le scénographe Xavier Hool ( « Les fantômes de la Belle Epoque », « Le festin de Bockelson ») nous rejoint et m’ouvre les portes de son atelier le… 31 décembre ! Faustine de Montmolin ( habillage, maquillage et coiffure), Dirk Appermont (régie) et son assistante de choc Noa embarquent à leur tour. Et grâce à la complicité d’Alice Marcelino dos Santos (pour qui ce sera une première devant la caméra) et celle de Raphaël Tschudi, l’équipe arrive sur les chapeaux de roues, mais au complet le jour du tournage.
L’équipe du Muséum nous accueille avec une bienveillance et une confiance magnifiques ! C’est un bonheur inspirant du début à la fin de tourner dans de pareilles conditions.
Entre deux prises, Lélia et Jacques, réfléchissent, cherchent… Dès le lendemain, ils finaliseront une première version du morceau.
« It’s a wrap ». On remballe. Prochaine étape : montage. On quitte les lieux magiques et les gens avec lesquels on a partagé l’espace réel. Mais surtout, on quitte cette énergie unique d’un groupe qui crée quelque chose en commun qui a du sens ! C’était beau ! On se l’est tous dit, comme si c’était quelque chose d’extraordinaire. Car malheureusement, c’est devenu extraordinaire.
C’était à l’opposé des consommateur-travailleurs, seuls parties de nous qui restent autorisés à (sur)vivre depuis le début de cette pandémie. C’était plus grand, plus beau, plus humain. C’était NOUS en entier et au meilleur de nous-même et, que le veuillent ou non nos décideurs-euses… c’était ESSENTIEL.
À suivre…
PS: Merci à Noa pour les photos!